Avec l’accord de Paul, elle avait décidé d’axer son travail sur le thème des répétitions et elle avait déjà pré-sélectionné plusieurs photos parmi celles qu’elle avait faites des autres compagnies. Le projet se serait impeccablement annoncé si elle ne venait pas de foirer la prise de vues de ce qui représenterait certainement le spectacle le plus marquant de la biennale. Elle avait merdé, c’était tout ce qu’il y avait à dire. Elle bénéficiait d’une chance insolente en travaillant pour un événement aussi passionnant et elle était en train de s’offrir un ticket pour retourner exposer dans la rue.
Le son annonçant la fin du transfert sur son ordinateur retentit enfin, la faisant se jeter dessus, les mains tremblantes.
Immédiatement, elle sut que ses photos ne suffiraient pas. Non pas qu’elles ne soient pas belles, il aurait été difficile d’affirmer le contraire, mais elles ne rendaient en aucun cas compte de la magie qu’elle avait observée. Catastrophée, elle fit défiler les clichés, non sans marquer une pause chaque fois qu’un gros plan de Flávio apparaissait. Elle devait reconnaître qu’il captait si merveilleusement la lumière qu’il n’avait vraiment pas besoin d’elle pour briller. Très vite, d’ailleurs, elle n’avait plus pris que lui, négligeant les autres danseurs et les musiciens. Les photos de la répétition s’arrêtaient. Elle fit une pause, faisant tourner de droite à gauche son fauteuil, réfléchissant. Pour une exposition moins prestigieuse, ce qu’elle avait pris pourrait probablement passer ; mais là, elle ne pouvait s’en contenter. Et puis surtout… Elle fit de nouveau défiler des images. En aucun cas elles ne rendaient hommage au spectacle auquel elle avait assisté. Flávio était superbe, dans chacune de ses poses, mais où était le mouvement ? Où était l’aérien ? Où étaient la magnificence, la magie ? Ça ne valait rien ! Ça aurait dû être transcendant et ce n’était que banal !
Dans un geste de découragement, elle laissa tomber le haut de son corps en avant, posant le front sur son clavier.
Lorsqu’elle releva finalement le visage, Flávio la dévisageait sur l’écran, de ce petit regard en coin qu’il avait eu, assorti de ce sourire qui semblait dire : « je sais que les photos que tu es en train de prendre dépassent du cadre de ton travail ».
Elle l’observa plus attentivement.
Ou peut-être disait-il simplement : « Je sais. »
Elle se rassit en arrière, contemplant son image immobile comme si une réponse s’y trouvait… Comme si l’inclinaison exacte des lèvres et la lueur précise de la pupille pouvaient en dire plus sur ce qu’il pensait. Comme si elle n’avait qu’à regarder plus attentivement pour le comprendre."
Elle se rassit en arrière, contemplant son image immobile comme si une réponse s’y trouvait… Comme si l’inclinaison exacte des lèvres et la lueur précise de la pupille pouvaient en dire plus sur ce qu’il pensait. Comme si elle n’avait qu’à regarder plus attentivement pour le comprendre."
Un corps qui danse.
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